Atelier du 23 juin 2014
DEVOIR :
Prenez un livre au hasard chez vous. Ouvrez le à la page 56 et copier la 3ème phrase. Faites en une suite.
Carrube e cavalieri de Raffaele Poidomani
Sicile XIX siècle, une famille de grands propriétaires terriens se lance dans une expédition : une petite sortie en barque et en p.55, la grand-mère perd son mouchoir qui tombe à l’eau. en p.56 :
Più di uno mosse al ricupero, ma non ottenne nulla, già il tessuto si vedeva e non si vedeva.
Plusieurs d’entre eux se précipitèrent pour le récupérer mais en vain, déjà le tissu se voyait puis ne se voyait plus.
Et il sombra doucement, fleur de naufrage offrant ses pétales délicats à la dérive. De plus en plus loin, de plus en plus flou, comme les souvenirs. Méduse de l’abysse, il étala sa langueur vers des fonds insondables, témoin égaré de cette folle journée.
Cri solitaire perdu dans les vagues indifférentes de la multitude, il s’évanouit lentement comme le jusant de la vie se retire du mourant. Mais quelle nouvelle vie l’attendait là, tout au fond de l’océan bleu ?
Le mouchoir qui étanche les chagrins les plus intimes emporta vers le néant les secrets de la grand-mère et les traits effacés du jeune homme qui la fit tant pleurer, jeune fille.
Ce mouchoir blanc que l’on n’agiterait plus lors de séparations déchirantes sur le quai bondé d’une gare ou pour solliciter une trêve de la raison dans l’absurdité des guerres, quels adieux insoupçonnés engloutissait-il, à quelles trêves illicites la grand-mère renonçait-elle ?
Les rameurs reprirent leurs places sans que la barque chavire et la vieille dame engoncée dans ses stricts vêtements noirs retrouva le masque impassible et hautain que tous lui connaissaient. Finalement, la mer était le meilleur gardien possible de ses secrets…. aussi insignifiants qu’un petit mouchoir de dentelle blanc.
Mireille
Kaïken de Jean-Christophe Grangé
Il n’était pas fier de sa fuite, mais il avait agi par devoir. Uniquement par devoir. Du moins, s’en persuadait-il. Il courrait, courrait à perdre haleine pour, se disait il appeler les secours. Mais en fait, si ses jambes le portaient aussi vite et aussi loin, c’était surtout pour échapper à la meute. La meute qui, en ce moment même était en train de déchiqueter ses camarades. Ses oreilles résonnaient encore de leurs cris d’effroi et de douleur.
Les poumons en feu, il se dirigea, aussi vite qu’il put vers la première lumière qui vacillait au loin, si petite et ténue dans la nuit. Vite, prévenir les gendarmes, les pompiers, enfin, il ne savait qui et retourner secourir les autres. Mais à cette pensée, Il eut une défaillance. De revoir les mâchoires avides, aux dents acérées le glaça d’effroi. Non, il ne pourrait pas… Le souffle court, il ralentit son allure. Et les autres, alors ? Il se dit que, n’importe comment, il était déjà trop tard. Que c’était vraiment un miracle s’il en avait réchappé. Pourquoi faudrait-il qu’il retourne dans cet enfer ?
Pour la première fois de sa vie, il se surprit à être un lâche.
2/ EXERCICE : histoires croisées
Chacun fait la fiche de 2 personnages
3/ EXERCICE :
Chacun donne sa fiche à son voisin de droite. Ecrire une histoire avec les 2 personnages dont on a hérité.
Personnage 1 : Antonio Medina del Campo, toreador de 37 ans né en 1850. Père de 5 enfants avec son épouse et de 4 avec sa maîtresse Maria. Blond aux yeux bleus. Né à Madrid. Passe son temps libre à pêcher et chasser pour nourrir la famille.
Personnage 2 : Maria Eulalia épouse du personnage 1. 35 ans couturière + lessives pour faire bouillir la marmite. Très amie avec la maîtresse. Brune, belle femme énergique au mauvais caractère. Pas de temps pour les loisirs.
Au détour d’une ruelle du vieux Madrid, le visiteur tombe sur une petite place ombragée sur laquelle trône la statue d’un toréador encorné par un taureau. C’est plutôt surprenant comme sujet mais le plus étrange est que beaucoup de femmes viennent s’y recueillir. Laissez ce vieillard chenu vous conter la légende qui remonte aux années 1890.
Aujourd’hui, raconte-t-il, c’est la Grande Corrida. Celle qui une fois l’an rassemble les meilleurs toréadors et taureaux d’Espagne. Les élus, un par province, noient leur appréhension dans la fierté d’appartenir à cette éphémère élite.
Quant au public, il est déchainé. Depuis une semaine Madrid ne dort plus, toutes ses auberges sont combles et les gens s’entassent où ils peuvent, dans les jardins des places d’armes, dans les champs alentours, sous les ponts….
C’est évidemment une période faste pour les voleurs en tous genres qui se faufilent discrètement au milieu des groupes de badauds distraits par les nombreux spectacles de musiciens, montreurs d’ours et autres saltimbanques. On ne compte plus les voyageurs détroussés et le bétail frauduleusement abattu. Quant aux pères, ils ne savent plus que faire pour préserver la précieuse vertu de leurs filles, mise à rude épreuve par tant de liesse.
Maria Eulalia a été extrêmement fière d’apprendre que son Antonio serait l’élu de Madrid. Dans un flash elle a vu sa silhouette élancée sensuellement moulée par le costume de lumière, elle a entendu les acclamations de la foule, les vivats dans sa ruelle obscure et puis… Et puis quoi ? « Son » Antonio ?
A elle les yeux larmoyants par trop de veilles à la faible lueur d’une chandelle tremblotante ; elle coud d’instinct à force de ne rien voir. A elle les mains crevassées par les lessives dans l’eau glaciale du fleuve, les genoux en compote et le dos cassé. Car toréador, ça ne nourrit ni son homme ni ses 5… 9 ? enfants. Alors pendant que le bellâtre se pavane, elle, Maria Eulalia, elle coud. Et lave. A n’en plus pouvoir. Et justement, elle n’en peut plus.
De l’autre Maria (au moins là, il a pris ses précautions et ne risque pas de se mélanger les pinceaux, que des Maria !). Au début, cette relation lui convenait assez en la soulageant de la corvée de lit avec ce rustre qui ne rentrait à la maison que pour ronfler. Puis ils ont eu ce premier enfant, puis un autre, enfin avouez que 4 ça fait beaucoup ! Elle exagère la sainte nitouche ! Qu’est-ce qu’elle veut à la fin ? A elle le bon temps, à Eulalia le travail éreintant !
Certes, en ce milieu du XVIII siècle, une femme se doit d’être mariée et Maria l’autre, l’infortunée mère célibataire s’attire de lourds regards réprobateurs. On murmure méchamment dans son dos. Alors qu’elle, Eulalia, on la respecte et on la plaint. On admire son courage et son abnégation ; ne s’occupe-t-elle pas volontiers des mioches de l’autre ? Mais la coupe est pleine hurle son dos pendant qu’elle frotte et frotte de ses mains engourdies par le froid. Toute à sa colère elle n’écoute plus les bavardages des autres lavandières qui s’échinent comme elle dans le lavoir municipal. Car figurez-vous qu’elles l’envient ces gourdes !
Pourtant elles savent tout. Mais elles fondent comme Eulalia quelques années auparavant, devant le charme irrésistible du blond aux yeux bleus, si rare dans ce pays. Et puis le prestige de l’habit de lumière, ah comme il les fait rêver ! Elles qui ne triment pas nuit et jour pour le payer à crédit au prix fort, le laver de sa boue et ce sang répugnant dont on ne sait s’il vient du taureau ou de l’homme, recoudre ses blessures déchiquetées et le repasser !
Alors Eulalia se dit que ça ne peut plus durer. Elle se surprend à rêver… Le métier de toréador est dangereux. Depuis leur mariage elle vit dans l’angoisse de l’accident et n’assiste jamais aux combats. Mais maintenant elle se dit que si… Car en quoi l’aide-t-il ? Quelques pièces de gibier améliorent l’ordinaire mais comme il faut partager avec l’autre, ça ne fait pas grand-chose au final. D’ailleurs, à son âge, sa carrière se termine et que deviendra-t-il ? Un ivrogne scotché toute la journée à ressasser ses souvenirs avec de mauvais compagnons dans les bouges de la ville ? Est-elle encore amoureuse ? Hum, pas sûr.
Pour la fête il y aura les meilleurs. Hommes et aussi taureaux. Et, d’abord un peu honteuse, elle se met à espérer que finalement le taureau l’emporte. Oui ! Elle assistera aux combats et dans le secret de son âme, « pardonnez-moi mon Père qui Etes aux Cieux », et bien elle priera pour le taureau.
Antonio et Maria bis s’étonnent lorsqu’elle leur annonce qu’elle se joint à eux, ce qui pose le problème de la garde des multiples mômes dont Eulalia l’esclave complaisante se chargeait habituellement. On trouve une solution. Ce qu’elles peuvent bien s’entendre sourit le vantard très fier de ses succès.
Trop con pour deviner derrière les sourires hypocrites, deux haines qui flamboient, s’épient et se livrent à de perpétuelles escarmouches. Mais Maria, plus subtile s’inquiète du changement. Eulalia semble vraiment détendue, vraiment souriante. Et puis ce soudain refus de rester à la maison ? Alors celle qui après tout n’est que la seconde des Maria, s’inquiète. Ce revirement ne peut que cacher une menace. Non identifiée. Encore plus sournoise. Et plus l’une étale sa gaité et plus l’autre se renfrogne, suspicieuse.
Et elle en rajoute, Eulalia. A la stupéfaction des deux autres, elle manifeste un intérêt aussi soudain que tardif pour les taureaux. Elle veut absolument les voir, tout connaitre de leur férocité, de leur dur élevage, tout, elle veut tout savoir, elle qui depuis son mariage n’a plus mis les pieds à une corrida.
Antonio Medina del Campo finit embroché par une corne. Il laissa une veuve aux yeux secs et une maîtresse aux larmes de crocodile bouleversée de se retrouver sans ressources ni protecteur avec 4 enfants.
Madrid offrit des obsèques somptueuses à son malheureux champion. Eulalia en fut la reine en quelque sorte et pu savourer sa victoire sur la Maria humiliée, ignorée de tous. Et en jetant une rose sur le cercueil, elle eut du mal à cacher un sourire de gratitude envers ce Dieu qui, en répondant à ses prières, lavait ses remords.
Elle ne confia évidemment à personne ses prières secrètes mais les gens jasèrent. Antonio était un champion au sommet de son art, il faut au moins lui reconnaître cette qualité et son accident laissait perplexe.
Par vengeance, la Maria vaincue se fit un malin plaisir d’alimenter la rumeur en racontant le comportement étrange d’Eulalia avant le combat. Ce récit amélioré chaque jour par de nouveaux détails plus fantaisistes les uns que les autres, des regards lourds et des silences permettant à l’auditoire de laisser galoper sa propre imagination, finirent par convaincre les plus sceptiques que la brave mère de famille, excédée d’être cocufiée, avait empoisonné son mari avant le combat.
C’est ainsi que naquit cette légende tenace. Et de nos jours, conclu le vieux avec un sourire espiègle, les femmes trompées viennent se recueillir sur la statue pour appeler Eulalia à l’aide et trouver le courage de changer leur vie.
Mireille
Inger quitta tôt la faculté cet après-midi là. Il détacha Félix, son chat vénusien qui l’attendait dans le parking réservé aux véhicules et le chevaucha pour rentrer chez lui.
Inger avait une vie très calme et ordonnée. Il étudiait l’histoire du Grand Chambardement, moment clé de l’histoire des humains et de tout ce qui vivait sur terre. Ce qui le passionnait étaient ces hommes étranges qui avaient détruit la planète Terre en 6040. Il se demandait toujours comment on pouvait faire pareille chose à une planète qui avait été si belle. Comment détruire tant de merveilles ? Profit ? Inconscience ? Il voulait tout savoir afin d’éviter que pareille chose se reproduise sur Vénus, planète qui avait accueilli les survivants après cette grande catastrophe.
Arrivé dans la bulle qui lui servait de logement, il désella Félix, son fidèle compagnon et lui donna à manger. Celui-ci le remercia d’une grande léchouille. Il alla ensuite embrasser sa mère adorée, Sarah. Elle avait connu le Grand Chambardement et Inger aurait vraiment pouvoir parler avec elle de ces temps si troubles. Hélas ! Sarah était devenue amnésique pour tout ce qui concernait cette période. Quelquefois, cependant, des images très nettes lui apparaissaient qu’elle décrivait avec minutie à Inger. Il prenais fébrilement des notes car ces images s’effaçaient aussi vite qu’elles étaient venues.
Ce jour-là, Sarah était paisiblement endormie dans un fauteuil. Il effleura son front d’un léger baiser et décida de la laisser reposer. Il se dit qu’il pourrait faire une petite sortie en bateau avant le repas du soir. Le minuscule voilier était amarré juste devant la bulle sur le lac de la Sérénité.
Il aimait bien partir pour une balade sur ce lac qui pouvait être calme comme un miroir ou démonté et hostile comme peut l’être une mer en furie.
Il détacha l’amarre et prépara le bateau pour une petite traversée qui s’annonçait tranquille. Mais à peine se fut éloigné de la rive qu’il y eût comme un frémissement à la surface de l’eau. Comme un mouvement de respiration, ce frémissement se fit plus ample. Les vagues commençaient à se briser sur la coque, alors que de noirs nuages apparus subitement obcursissaient l’horizon. La rive, sa bulle, tout avait à présent disparu et il se retrouva au coeur de la tempête.
Heureusement, Inger connaissait bien ce lac et il savait qu’après le déchainement des éléments, il se retrouverait dans un vortex temporel avant de pouvoir regagner la berge. Même si la tempête était un moment très difficile à passer, il savait qu’elle n’était pas dangereuse. Aucun bateau n’avait fait naufrage, c’était comme ça.
Après un moment qui lui parut une éternité, il se retrouva donc sur une mer noire et brillante, il ne savait trop où. Sur l’onde obscure, se reflétait une large et pleine lune. Enfin, il sut que c’était la lune car il s’était beaucoup documenté à son sujet. Il savait aussi qu’elle avait disparut en même temps que la Terre lors du Grand Chambardement. A sa grande surprise, cette dernière se mit à lui parler :
- « Bonsoir Inger. Tu sais que je n’existe plus. Ce que tu vois là n’est qu’une réminiscence de mon existence.
- Oui, Lune, je le sais, hélas ! Mais j’aimerais tant vous poser des questions… Que faisiez-vous, Lune, en ces temps anciens, à part éclairer les nuits des humains ?
- Oh ! Petit Inger, mes tâches étaient aussi nombreuses que variées et j’avais beaucoup de travail. Comme tu l’as dit, j’éclairais les nuits des humains en tournant en orbite autour de la Terre. Il fallait que je fasse très attention pour ne rien percuter. La gestion des marées était également de mon ressort (grosse lune, grosses marées). Je veillait à remplir les crabes de palétuviers à certains moments de mon cycle. Tu ne sais pas ce que c’est bien sûr, mais c’était un met très prisé, surtout sur une petite île pas plus grande qu’une chiure de mouche sur la mappemonde et qu’on appelait la Nouvelle-Calédonie…
Je faisais pousser les plantes et les légumes : lune montante pour les légumes en hauteur, lune descendante pour les légumes en racines. Mais aussi es cheveux. On me rend responsable des naissances et même, quelquefois, de transformer certains humains en loups garous. Ceci dit, à certaines périodes de mon cycle, certains un peu « dérangés » peuvent être très excités. Tu vois donc que j’avais un rôle essentiel. Cependant, ce qui me plaisait le plus était de regarder tous ces pauvres humains se débattre et courir à leur perte… J’ai bien essayé de les prévenir en multipliant les éclipses, mais rien n’y a fait.
A peine la lune eut-elle dit ces derniers mots que le vortex temporel se referma. Inger fut impressionné et très intéressé par ce discours. Il se retrouva à nouveau sur le lac de la Sérénité, éclairé par la rouge Mars et qui, à nouveau, portait bien son nom. Tout était calme. Rien ne bougeait. Soudain, il entendit comme un appel au secours, très faible, à peine un murmure. Il braqua sa lampe de vers luisants à la surface de l’eau. Au début, il ne vit rien… Puis, un clapotis à la surface. N’écoutant que son courage, il plongea dans l’onde noire. Il descendit à pic, puis, ses bras rencontrèrent un corps. Il le remonta vite à la surface et le hissa dans le bateau. C’était une frêle jeune fille, très pâle. Elle avait une longue robe blanche et ses cheveux d’argent s’étalaient sur le pont. Inger n’avait jamais vu de fille aussi belle. En fait, il n’avait jamais regardé de fille avant ce soir. Il en tomba tout de suite éperdument amoureux. Elle ne respirait plus. De ses lèvres, il lui rendit le souffle et, tandis qu’elle toussait et crachait, il lui dit doucement :
- Inger, je m’appelle Inger, et toi ?
- Lune, répondit-elle, je m’appelle Lune.
Fabienne